Cette étude de cas, préparée par le Forum d'innovation en santé, avec des contributions de la Dre Elizabeth MacNamara, directrice de médecine diagnostique à l'Hôpital, et M. Ian Parfrement, président et directeur général de Roche Diagnostics, trace comment le laboratoire de l’Hôpital général juif intègre les percées technologiques de Roche pour améliorer l’accès aux examens et développer les capacités diagnostiques. — Produite dans la cadre de la série : "Partenariats pour améliorer la performance du système de santé".

L’enjeu

La Dre Elizabeth MacNamara, directrice du département de médecine diagnostique, est entrée au service de l’Hôpital général juif en 1994, avec la ferme intention de faire du laboratoire un partenaire efficace et innovateur dans les soins aux patients. En cours de route, elle a cultivé une relation enviable avec Roche, une société spécialisée dans les produits diagnostiques qui, comme elle, considère que le laboratoire est l’âme de l’hôpital.
La Dre MacNamara se fait peu d’illusions au sujet de sa spécialité. Dans la plupart des hôpitaux, le laboratoire est vu comme l’équivalent de la cafétéria : les médecins passent leur commande et viennent chercher les résultats quand ils sont prêts. Aujourd’hui, la haute direction de l’Hôpital général juif (l’Hôpital) reconnaît le rôle essentiel du laboratoire dans la qualité des soins de l’établissement ainsi que son potentiel innovateur. Mais il a fallu une dizaine d’années d’explications et de démonstrations pour qu’on admette enfin la valeur d’un laboratoire hautement efficace.
À son arrivée à l’Hôpital, le laboratoire souffrait de grave négligence. Rien n’avait changé dans les structures fonctionnelles depuis une trentaine d’années, et les techniciens de laboratoire adhéraient encore à des pratiques rigides et inutiles, déconnectées des soins aux patients.

Le programme Première partie — Gagner la confiance

Comme directrice d’un laboratoire, la Dre MacNamara a ceci de particulier qu’elle travaille aussi comme interniste dans une unité de soins. Cela lui a permis de tisser des liens étroits avec le personnel clinique. « Les choses ont commencé à bouger quand les médecins et les infirmières ont compris que je ne prenais pas leur parti ni le parti du laboratoire, mais plutôt celui du patient. Toutes les décisions que j’ai prises au cours des 20 dernières années l’ont été pour le bien du patient, et non celui de l’infirmière ou du médecin. ‘Que voudriez-vous si le patient était votre mère ?’ Voilà la question que je pose. Présenté en ces termes, le besoin de changement est facile à comprendre pour tout le monde. »

L’un des premiers changements qu’elle a effectués a été de prolonger les heures d’ouverture du centre d’examens pour éviter aux patients de perdre une journée de travail, puis d’en faire un centre sans rendez-vous. Ces deux mesures ont réduit les coûts, grandement accéléré le rythme des examens et amélioré la satisfaction du personnel et des patients.

Le programme Deuxième partie — Un partenariat technologique

Le laboratoire que la Dre MacNamara a découvert en 1994 contenait de l’équipement et des instruments d’époques variées, tous fabriqués par une différente entreprise. Il comptait 18 stations réparties dans plusieurs pièces, les techniciens étaient affectés à un module en particulier et il y avait peu ou pas de mobilité entre eux. La Dre MacNamara s’est d’abord attaquée à la question de l’équipement. Ayant déjà vu des laboratoires américains très efficaces, elle a entrepris des démarches pour trouver un fabricant capable de fournir le nécessaire pour la plupart des examens biochimiques effectués par le labo. Elle a fait parvenir un cahier de charges aux fabricants, leur demandant de lui soumettre un plan détaillant tous les éléments, des ressources humaines requises jusqu’au coût des analyseurs, des réactifs, du soutien, des interfaces informatiques et de la formation.

Boehringer Manheim (acquise au cours de l’année par Roche) avait présenté la soumission la plus intéressante et la Dre MacNamara a réussi à convaincre la direction de l’Hôpital d’aller de l’avant. Trois ans plus tard, cette initiative avait dégagé d’importantes économies.

« En 1994, il y avait dans le laboratoire une multitude de grands et petits appareils peu performants, souvent séparés pour des raisons historiques ou politiques. Il fallait un différent technicien pour chaque appareil, ce qui faisait grimper les coûts de main-d’œuvre et ralentissait le travail. »

Roche Diagnostics a été parmi les premières à utiliser des analyseurs capables de traiter les échantillons de façon aléatoire, à automatiser des tests qui se faisaient seulement manuellement et à amalgamer plusieurs sections du laboratoire en un seul analyseur. M. Ian Parfrement, président et directeur général de Roche Diagnostics, considère les analyseurs à accès aléatoire comme étant la première d’une série d’importantes percées réalisées au cours des 30 dernières années. « Avec l’accès aléatoire, on peut alimenter l’analyseur sans interruption, plutôt que d’attendre d’avoir suffisamment d’échantillons pour les traiter en lots. Dans les débuts, les analyseurs ne traitaient qu’un seul type d’échantillons, mais on pouvait tout de même les alimenter en continu. »

L’autre importante percée, selon M. Parfrement, a été de relier des analyseurs pour des tests de chimie clinique, comme l’albumine et le glucose, et des analyseurs d’immunoessais très sensibles servant à mesurer des marqueurs hormonaux et tumoraux. « Cela nous a permis de regrouper sur une plateforme automatisée toutes les analyses sériques », dit-il.

L’automatisation de la préanalyse, soit les étapes à effectuer avant de placer l’échantillon dans l’analyseur, a également apporté d’autres gains d’efficacité. « Vers 2001, poursuit M. Parfrement, nous avons lancé une plateforme qui automatisait tout ce processus. Quand l’échantillon natif arrive au laboratoire, on le place dans l’unité préanalyse, où il est étiqueté, débouché, centrifugé, aliquoté et transféré automatiquement dans l’analyseur. »

Résultats

Le nombre d’analyseurs qu’on pouvait relier est passé de deux à trois à quatre, et ainsi de suite. « Aujourd’hui, précise la Dre MacNamara, avec la plus récente innovation du laboratoire automatisé de Roche, acquise l’année dernière, on peut effectuer près de 80 % des tests habituels. Grâce à cela et au fait que j’exploite pleinement les capacités de l’appareil, notre laboratoire et nos techniciens abattent deux fois plus de travail que tout autre laboratoire comparable au Québec. »
L’analyseur intégré cobas® 8000 allie puissance et intelligence. La puissance s’exprime en débit par mètre carré : l’analyseur de chimie a la même empreinte que les précédents analyseurs de Roche, mais peut traiter une charge de travail 2,5 fois plus élevée. « L’intelligence, explique M. Parfrement, s’exprime dans la manière dont les échantillons se déplacent dans les stations sériques. L’appareil veille à ce que les tests se fassent dans le bon ordre et si un module est occupé, il dirige l’échantillon vers un module libre où d’autres tests seront effectués. L’acheminement du travail se fait très intelligemment. »

La Dre MacNamara a intégré ces innovations dans son laboratoire et réussi à centraliser physiquement tous les tests, sauf les tests manuels hautement spécialisés, et à réduire considérablement les besoins de personnel. Comme il y a moins d’appareils à surveiller, on encourage les techniciens à acquérir des compétences en informatique, en gestion, en santé et sécurité et en coordination des soins au point d’intervention. Le laboratoire étant plus efficace, plusieurs techniciens et titulaires de doctorat ont eu la possibilité de mettre sur pied ce qui est devenu un des meilleurs laboratoires de génomique du Québec. Avec le temps, la Dre MacNamara a réduit du tiers la masse salariale du laboratoire, tout en permettant à des techniciens de découvrir de nouveaux domaines qui ont accru les compétences du laboratoire et de l’Hôpital.

Potentiel d’élargissement

La Dre MacNamara est une utilisatrice très exigeante de la nouvelle technologie, exploitant tous les avantages possibles de chaque percée de Roche. Selon elle, il faut absolument se servir de l’équipement comme il est censé l’être, ce qui se fait rarement, dit-elle. « Divers obstacles de nature historique ou politique s’y opposent. Pour chaque amélioration apportée aux analyseurs de Roche, j’ai modifié le fonctionnement et l’acheminement du travail de mon laboratoire. L’idée, c’est de tirer le meilleur parti de l’ingéniosité du fabricant. »

Elle est la partenaire idéale, selon M. Parfrement. « L’innovation est importante pour Roche, qui consacre 18 % de son chiffre d’affaires mondial à la R.-D., mais vient un moment où il nous faut travailler avec des labos ayant les connaissances et l’expérience voulues, comme celui de l’Hôpital général juif, qui seront les premiers à utiliser l’innovation. Nous avons lancé plusieurs produits avant-gardistes à l’Hôpital, sachant que son laboratoire dispose de l’expertise nécessaire pour en assurer le succès. S’il y a des obstacles, nous pouvons travailler ensemble jusqu’à ce que nous parvenions au résultat recherché. »

« Avec les années, nous avons développé un solide partenariat, qui repose sur la confiance et le respect mutuels. Je suis une cliente exigeante, toujours la première à repérer les problèmes, avoue la Dre MacNamara, mais je vais travailler avec le fabricant pour les corriger. »

Avec l’analyseur cobas 8000®, l’expérience acquise par le laboratoire a permis d’améliorer deux fonctionnalités en particulier. Le système est en mesure d’utiliser les tubes primaires, soit ceux qui ont servi aux prélèvements. Auparavant, on décantait l’échantillon dans un tube secondaire pour s’assurer qu’il n’y avait pas de caillots avant de le placer dans l’analyseur. Mais maintenant, l’appareil détecte et rejette les échantillons contenant un caillot, éliminant ainsi le besoin d’un tube secondaire. Le laboratoire de la Dre MacNamara a été le premier au Canada à utiliser des tubes primaires, une amélioration intéressante qui réduit la quantité de plastique, le nombre d’échantillons prélevés chez le patient ainsi que les opérations manuelles. Cela requiert toutefois d’importants changements dans l’acheminement du travail. « Nous avons travaillé avec le labo pour régler tous les problèmes soulevés par l’utilisation des tubes primaires et avons mis au point une méthode qui, croyons-nous, pourra être adoptée dans les laboratoires partout au pays », souligne M. Parfrement.

Roche a également travaillé avec la Dre MacNamara pour comprendre les enjeux liés à l’intégration des analyses sérologiques à l’analyseur cobas® 8000. « Les tests de dépistage du VIH et de l’hépatite sont effectués dans des analyseurs autonomes, souvent dans les départements de microbiologie, explique M. Parfrement. Si nous pouvions réaliser ces tests dans le laboratoire principal, nous augmenterions l’efficacité et aurions accès aux installations 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 — un facteur important dans les hôpitaux ayant une maternité — mais il fallait d’abord régler des problèmes avant de faire la transition. Grâce aux échanges très ouverts avec le personnel de l’Hôpital, nous avons monté un dossier que nous fournissons maintenant à d’autres hôpitaux qui songent à faire la même chose. »

La Dre MacNamara éprouve un grand respect pour les partenariats technologiques qui ne se limitent pas à l’achat d’un appareil au plus bas prix possible. « L’intégration de nouveaux outils dans les soins de santé est un processus long et complexe, qui a d’importantes répercussions sur le personnel et l’acheminement du travail au sein du laboratoire et dans tout l’hôpital. » Même les soins aux patients et les résultats pour leur santé s’en trouvent affectés.

Les gains d’efficacité du laboratoire ont permis à l’Hôpital de concentrer les efforts de son personnel sur d’autres aspects du travail et d’investir dans le développement de nouvelles fonctions diagnostiques, notamment la génomique et plus récemment, l’établissement d’un laboratoire de protéomique destiné aux besoins de soins de santé personnalisés. Les divisions des produits diagnostiques et des produits pharmaceutiques de Roche s’intéressent aux soins personnalisés. « En générant une information diagnostique très précise, nous pouvons aider les cliniciens à prescrire le bon médicament au bon patient au bon moment, et les avantages ainsi obtenus sont immenses, dit M. Parfrement. C’est un aspect important de notre collaboration avec le laboratoire. »

Le respect mutuel entraîne de nouvelles occasions de collaboration. Reconnaissant les forces du laboratoire en technologie de l’information, les compétences et la capacité d’adaptation de son personnel et ses bonnes relations avec les cliniciens et les administrateurs, Roche est con?vaincue que le laboratoire trouvera les ressources voulues pour tester la nouvelle technologie. « Roche en retire un partenaire qui veut vraiment travailler avec eux et nous obtenons la meilleure technologie qui soit pour nos patients, » conclut la Dre MacNamara.