Patricia O’Connor, directrice des soins infirmiers et infirmière en chef au CUSM, décrit les retombées du travail international pour les patients canadiens. —Rapport d'une présentation à la conférence 2012 de l'IASI-CUSM

En 2009, Mme O’Connor a été la première infirmière canadienne à recevoir la bourse Harkness sur la pratique et les politiques de la santé du Fonds du Commonwealth. Comptant parmi les 15 boursiers choisis dans six pays, elle a étudié la réorganisation du travail interdisciplinaire.

La bourse m’a permis de réaliser trois études de cas aux États-Unis et au Canada en vue d’examiner des éléments contextuels et des processus de changement stratégique dans l’adoption et le maintien de l’innovation, et d’analyser leur incidence sur les résultats pour la santé. Plus simplement, j’ai cherché à comprendre comment les organisations réussissent à changer les choses.

ThedaCare est une organisation du Wisconsin qui a introduit un modèle de soins hospitaliers axés sur la collaboration — et l’un des 13 sites originaux du programme de transformation des soins au chevet du malade (Transforming Care at the Bedside), développé par l’Institute for Healthcare Improvement. Ce programme consiste à mobiliser le personnel de première ligne et à lui confier l’amélioration des processus en vue de favoriser les résultats pour la santé et l’environnement de travail. Inspirée par ce que j’ai vu, j’ai compris que le temps était venu d’appliquer les leçons apprises au CUSM.

Il a d’abord fallu obtenir le soutien du CUSM pour appliquer le modèle dans cinq unités de soins. Notre objectif était double : comprendre les soins du point de vue du patient et amener les représentants des patients et le personnel à participer au développement de méthodes de travail qui éliminent le gaspillage et la redondance. Des représentants recrutés au sein des comités de patients du CUSM et cinq équipes interprofessionnelles ont reçu une formation portant sur les cycles rapides d’amélioration des processus et la méthode LEAN.

Des solutions pratiques

Les améliorations dans l’environnement physique visant à réduire le temps de recherche du matériel ont entraîné d’importants gains d’efficience. Le déménagement des tensiomètres et des scanneurs vésicaux dans des aires de stationnement bien identifiées ont permis d’éliminer des milliers d’heures perdues tous les ans et d’augmenter le temps passé par les infirmières auprès des patients. Depuis, aucun examen n’a été annulé faute de trouver une chaise roulante.

En santé mentale, l’équipe a décloisonné son approche. Auparavant, trois ou quatre professionnels réalisaient chacun une entrevue d’admission dans la même journée. Maintenant, on fait une seule entrevue interprofessionnelle, et le processus qui durait plus de 4 heures a été ramené à 45 minutes, laissant à l’équipe 15 minutes pour l’élaboration conjointe du traitement avec le patient.

2012 O'Connor imageNous avons installé des tableaux blancs (voir l’image) au chevet du patient pour les communications bidirectionnelles. Y sont inscrits les noms des membres de l’équipe soignante et la date prévue du congé; on y trouve une section réservée aux préoccupations du patient et de sa famille et des notes importantes. Les tableaux ont connu un énorme succès, et le comité des patients a déboursé 40 000 $ pour s’assurer d’avoir des tableaux de très bonne qualité.

La zone de tranquillité aménagée dans l’unité de neurochirurgie pour la transcription des médicaments a réduit de 50 % les interruptions de médication et de 60 % les erreurs de transcription. Le réaménagement de la salle de chimio de l’unité de gynéco-oncologie a réduit de 57 % le temps de préparation pour l’administration du traitement.

Le temps que les infirmières consacrent aux soins directs aux patients a augmenté de 8 %, le gaspillage a reculé de 50 %, et il y a eu des réductions statistiquement significatives dans les heures supplémentaires et la rotation du personnel. Enfin, il y a eu une amélioration de 20 % dans la réceptivité du personnel et dans la communication au sujet des médicaments.

Soutien à la mise en œuvre

En allant voir ce qui se fait ailleurs, on ramène de nouvelles idées, mais leur mise en œuvre dépend largement du soutien de nos établissements et de nos leaders. Les subventions des organismes suivants ont été essentielles : la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé, le ministère de la Santé du Québec, la Fondation Max Bell, les fondations Newton et Roasters, ainsi que la Fondation de l’Hôpital général de Montréal. Nous implantons actuellement le programme dans trois nouvelles unités, et huit autres suivront d’ici la fin de 2015.

Soutenir la collaboration internationale

Mme  O’Connor et ses collègues au CUSM,  Dr Renzo Cecere et Dr Tarek Razek ont considéré comment leur organisation pourrait contribuer au développement des collaborations internationales et à la mise en oeuvre des innovations qui en découlent. Voici leurs recommandations :

  • En Amérique du Nord, aucun établissement de haut niveau n’a la redondance voulue pour fournir des soins de haut niveau à l’autre bout du monde sur une base régulière. Les partenariats entre facultés d’une même université, hôpitaux d’une même ville et universités d’Amérique du Nord deviennent donc essentiels.
  • Pour ramener les innovations au pays, il faut que celles-ci s’intègrent aux priorités de l’établissement.
  • La collaboration internationale doit être considérée avec respect par l’hôpital et l’université. La reconnaissance des avantages réciproques ?découlant des partenariats devrait donner aux médecins et aux infirmières la « permission » de poursuivre ces activités.
  • Le soutien de l’équipe de direction est indispensable à l’adoption des nouvelles idées. Cela exige une détermination à long terme.
  • Il faut élargir la vision du CHU pour y inclure la collaboration internationale, et tous les échelons de la direction, jusqu’au ministère de la Santé, doivent y adhérer. Cela est crucial si l’on veut s’assurer d’avoir les ressources humaines nécessaires pour réaliser ces activités sans que la mission centrale de l’organisation, soit les soins à ses propres patients, ne soit jamais mise en péril.
  • Les établissements devraient promouvoir la création de groupes de réflexion à l’interne, amenant ainsi des gens ayant des intérêts communs à se réunir et à générer des idées pour la communauté internationale.