Terrence Sullivan évalue la position actuelle du système de santé canadien en matière d’intégralité, de transférabilité et d’accessibilité. —Rapport d'une allocution prononcée à la conférence 2011 de l'IASI-CUSM

La Loi canadienne sur la santé (LCS) est la loi fédérale qui détermine l’orientation politique de la prestation des services dans chaque province, mais son influence est directement liée à l’importance des transferts du gouvernement fédéral aux provinces. En 1996, le gouvernement fédéral a créé le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en combinant le Régime d’assistance publique du Canada et le Financement des programmes établis, et dans la foulée, il a considérablement réduit les transferts aux provinces. Avec l’adoption de l’Accord sur le renouvellement des soins de santé en 2004, dans une tentative de récupération morale, les transferts ont été augmentés de façon radicale et de vagues arrangements concernant l’affectation des fonds ont été ajoutés. L’accessibilité était un élément central de l’Accord (avec l’affaire Chaoulli en arrière-plan) et a eu pour effet de con?centrer l’apport massif des transferts fédéraux d’argent frais sur la réduction des temps d’attente dans des secteurs ciblés. Tout le monde est rentré dans le rang et les résultats ont été somme toute assez bons.

Depuis, le principe d’accessibilité a reçu beaucoup d’attention, les temps d’attente pour un ensemble d’interventions servant de baromètre aux progrès. Mais il y a une longue liste d’interventions pour lesquelles les résultats ne sont pas aussi bons. Comme le montre la dernière étude réalisée par le Fonds du Commonwealth, le Canada affiche la fraction la plus faible de patients attendant moins de 30 minutes à l’urgence et la fraction la plus élevée de patients attendant au moins quatre heures. De longs délais sont également fréquents dans les soins primaires et chez les spécialistes, et beaucoup de patients ont de la difficulté à joindre un médecin de famille durant les heures normales de travail.

Quant à l’intégralité, il est évident que la composition des soins médicalement nécessaires a évolué pendant que nous faisions autre chose, si bien qu’on se retrouve aujourd’hui avec une excellente couverture pour les soins médicaux et hospitaliers, et une couverture très inégale pour les médicaments et les services communautaires.

Ainsi donc, le système de santé canadien n’offre pas une couverture intégrale des soins médicalement nécessaires. Au Canada, il n’y a jamais eu de norme minimale pour l’assurance-médicaments, et ceux d’entre nous qui travaillent avec les patients atteints de cancer sont au cœur du cyclone. Nous avons essayé à deux reprises d’établir un programme de couverture des médicaments onéreux, mais sans succès ; nous avons élaboré la stratégie nationale en matière de médicaments, mais très peu d’efforts y ont été investis ; et nous avons entrepris des démarches préliminaires en vue d’une quelconque harmonisation entre les provinces. Beaucoup d’entre nous sont désormais prêts à envisager une assurance sociale pour combler les lacunes d’une couverture que la LCS n’offre pas.

Le Québec a fait bande à part et a instauré une assurance-médicaments obligatoire. Or, il est grand temps de mener des expériences liées à la couverture, car nous ne répondons plus au principe d’intégralité.

La question de la transférabilité ne se rapporte pas à la capacité de rembourser des soins reçus dans une autre province, mais aux variations intra et interprovinciales dans les soins. L’Institut canadien d’information sur la santé a récemment présenté des données sur deux interventions chirurgicales complexes — la pancréatectomie et l’oesophagectomie liée au cancer — qui ne devraient être pratiquées que dans des centres ayant un volume d’activité élevé. En Saskatchewan, seulement 14 % des patients opérés pour un cancer de l’œsophage sont traités dans de tels centres. La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé a produit un document sur des indicateurs de qualité et de performance montrant les variations interprovinciales et internationales pour des interventions données. Sur la scène mondiale, nous sommes désormais des joueurs de catégorie B.

En conclusion, les principes de la LCS ne sont pas très robustes, et dans leur discussion du renouvellement de l’Accord en 2014, les premiers ministres devraient s’atteler à la tâche de trouver des moyens convaincants d’améliorer la responsabilité à l’égard des énormes sommes que nous consacrons à la santé.