La télémédecine repousse les limites de l’accessibilité, de la transférabilité et de l’intégralité. Edward Brown, directeur du Réseau télémédecine Ontario considère que le défi est de développer des politiques qui encouragent son utilisation. —Rapport d'une allocution prononcée à la conférence 2011 de l'IASI-CUSM

La télémédecine nous montre ce que l’accessibilité, la transférabilité et l’intégralité pourraient véritablement devenir au 21e siècle. Comme cela ressortait clairement des discussions entourant l’Accord sur la santé, l’amélioration de l’accessibilité est indispensable au maintien d’un système de santé public au Canada. La télémédecine est en mesure de faire passer notre système à la vitesse supérieure : accès plus rapide, soins mieux intégrés et de meilleure qualité, prestation des services à moindre coût. Mais d’importants obstacles demeurent. Par exemple, selon les barèmes de rémunération, pour être payé, le médecin doit être présent lors de la consultation ; de même, les restrictions relatives au permis d’exercice des médecins pratiquant dans d’autres provinces nuisent à une utilisation plus judicieuse des spécialistes. De telles mesures doivent être modifiées pour tenir compte des nouvelles pratiques médicales.

En Ontario, la télémédecine s’est développée grâce à la géographie du territoire. D’une superficie d’environ un million de kilomètres carrés, la province compte 12 millions d’habitants dans le sud et un seul dans l’immense région du nord. L’accès aux soins posait problème depuis longtemps et la télémédecine a vu le jour dans les zones rurales du nord afin d’y remédier. Nous prévoyons qu’au moins 25 % des soins seront dispensés à distance d’ici la fin de la décennie, et notre ambition est d’élargir l’utilisation de la technologie, de la garder simple et de l’intégrer dans la pratique quotidienne.

La télémédecine clinique est une vidéoconférence qui réunit un fournisseur de soins et un patient. En Ontario, plus de 50 % des consultations en télémédecine se rapportent à la santé mentale, suivies des consultations en oncologie, mais presque toutes les spécialités peuvent utiliser la télémédecine. Même les chirurgiens peuvent y faire appel pour l’évaluation préopératoire, l’évaluation de l’anesthésie et le suivi post-opératoire.

Productivité accrue permet un meilleur accès

La télémédecine permet aux spécialistes d’accroître leur productivité de façon spectaculaire. La télémédecine asynchrone permet au spécialiste de faire une consultation après un examen (par ex. pour une éruption cutanée). Le médecin de famille envoie les images, les résultats de tests et les antécédents médicaux au spécialiste, qui examine le tout et renvoie le diagnostic ainsi que le plan de traitement. En dermatologie, cela permet aux patients d’obtenir un diagnostic en moins de six jours, alors qu’un rendez-vous avec un spécialiste peut prendre de 6 à 18 mois. Les dermatologues considèrent qu’ils sont plus productifs, car la technologie élimine les échanges de politesse.

Il en va de même pour la télé-ophtalmologie. Les spécialistes de la rétine doublent leur productivité lorsque l’accueil et l’examen du patient en personne sont séparés de l’analyse des images rétiniennes, ce pour quoi on fait appel à eux. Sachant qu’il y a quelque 900 000 personnes atteintes de diabète en Ontario et que cette maladie est la cause première de la cécité dans la province, il est essentiel d’accroître la capacité de dépistage. En ce moment, 300 000 patients diabétiques, soit le tiers, n’ont pas été soumis à un dépistage adéquat.

Transférabilité accrue

Grâce à la télémédecine, tous les Canadiens ont accès à des soins de qualité supérieure sans devoir nécessairement se rendre dans les grands centres. Le RTO a permis à la province d’éviter le paiement de 25 millions de dollars en subventions de voyage pour les patients du nord de l’Ontario.

Des occasions de formation élargies pour les professionnels de la santé et un meilleur soutien pour la consultation réduisent les écarts dans la qualité des soins entre les régions urbaines et rurales. Avec le programme « Telestroke », les urgentologues de 20 hôpitaux ont accès à un neurologue, 24/7, pour obtenir des conseils sur le traitement du patient qui vient de subir un AVC et les interventions qui pourront lui sauver la vie.

Meilleure intégralité

Le principe d’intégralité tel qu’on le comprend doit être élargi pour tenir compte des réalités actuelles, dont l’une est la prévalence des maladies chroniques. Les télésoins à domicile pour la prise en charge de ces maladies sont sans doute l’application de la télémédecine la plus intéressante dans un proche avenir. Il s’agit d’installer de l’équipement médical chez le patient et de jumeler ce dernier avec un conseiller, habituellement une infirmière, qui l’éduquera au sujet de sa maladie et l’aidera à atteindre des objectifs de santé. Le RTO a demandé à PricewaterhouseCoopers d’évaluer son programme de télésoins à domicile, qui regroupe 800 patients souffrant d’insuffisance cardiaque et de maladie pulmonaire chronique. Le programme a réduit le taux d’hospitalisation et les visites à l’urgence des patients de ce groupe de 65 % et 70 % respectivement. Cela est particulièrement important puisque, selon les calculs de l’Association des hôpitaux de l’Ontario, 50 % des dépenses totales de santé de la province (environ 43 milliards de dollars) se rapportent à 1 % de la population, qui comprend un grand nombre de patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive, de maladie pulmonaire chronique, de diabète et de troubles mentaux chroniques, des maladies qui se prêtent bien au coaching et à une meilleure orientation dans le système de santé. Les télésoins à domicile peuvent offrir un moyen d’élargir l’intégralité du système à peu de frais. Et les patients ainsi soignés ont le sentiment d’être pris en charge tout en jouant un rôle actif dans leurs soins.

Les progrès observés dans la télémédecine peuvent nettement améliorer les soins. Le défi est donc de développer des politiques qui encouragent le travail d’équipe et soutiennent l’utilisation des technologies pour réduire les coûts et améliorer la qualité.