Cette étude de cas a été préparée par le Forum d'innovation en santé avec la collaboration du Dr Cy Frank, directeur général, Alberta Bone and Joint Health Institute,Tracy Wasylak, vice-présidente, South Health Campus, région de Calgary, Shawna Syverson, directrice, Bone and Joint Health, région de Calgary, Joanna Pawlyshyn, responsable, Bone and Joint Health, région de la Capitale, et Louisa Pothier, planificatrice régionale, Bone and Joint Health, région de la Capitale. — Produite dans le cadre du programme 2008 de l'IASI-CUSM.

L’enjeu

Le remplacement chirurgical de la hanche et du genou soulage la douleur, restaure la fonction et la mobilité, et connaît un taux de succès de 95 % après 10 ans et de 20 % après 20 ans. La demande pour ces interventions, déjà forte, ne cesse de croître.

La qualité des soins dispensés varie, faute de normalisation des pratiques et procédures. Les services ne sont pas intégrés, les temps d’attente pour la consultation avec un chirurgien orthopédiste et la chirurgie sont longs et dépassent le temps optimal pour la plupart des patients.

La réponse

En 2004, la Alberta Orthopaedic Society, en collaboration avec la Alberta Medical Association, les offices régionaux de la santé, le ministère de la Santé et du Bien-être, et l’Alberta Bone and Joint Health Institute, décidait d’améliorer la qualité des soins associés à l’arthroplastie de la hanche ou du genou. Les partenaires ont convenu de réorganiser le continuum de soins et établi un modèle normalisé allant des soins primaires jusqu’à la réadaptation, en passant par la chirurgie et la convalescence. On allait faire appel à un processus décisionnel éclairé, fondé sur les meilleures données factuelles et un bon jugement médical. Les soins seraient pleinement intégrés et dispensés par une équipe multidisciplinaire. En 2005, les partenaires ont lancé leur projet-pilote dans trois régions — la Capitale, Calgary et David Thompson —, afin de comparer pendant une année les résultats du nouveau modèle et ceux de l’approche classique.

Dans le nouveau modèle, des cliniques communautaires et multidisciplinaires spécialisées dans le remplacement de la hanche et du genou prennent en charge l’évaluation, le diagnostic et le traitement non chirurgical. Les patients sont recommandés par leur médecin de famille qui, dans un simple formulaire de deux pages, fournit les antécédents du patient, dont les traitements antérieurs, et précise l’urgence du cas. La clinique dispose ainsi de toute l’information nécessaire pour diriger le patient vers les soins appropriés. L’équipe multidisciplinaire évalue le besoin de l’intervention et la capacité du patient de la subir et, s’il y a lieu, aide ce dernier à se préparer. Cette étape réduit considérablement les délais et les annulations de dernière minute. Ensuite, le patient est confié à un gestionnaire de cas, qui l’encadre tout au long du processus et veille à ce qu’il soit dans une forme optimale au moment de l’intervention. Dans certains cas, on demande au patient de signer un contrat pouvant contenir des conditions précises en vue de l’intervention — perte de poids, conditionnement physique, abandon du tabac.

On confie ensuite le patient au prochain chirurgien disponible de la région, sinon au chirurgien de son choix, même si cela peut entraîner une attente plus longue. La clinique assure le suivi de la réadaptation et, au besoin, s’occupe des services à domicile post-chirurgie.

La préparation du patient est une étape essentielle, car les résultats seront meilleurs si celui-ci présente une forme optimale au moment de la chirurgie. Dans le nouveau modèle, on peut retarder la chirurgie pour donner au patient le temps d’optimiser sa forme.

Le ministère provincial de la Santé et du Mieux-être a versé des subventions de 18 millions de dollars aux trois régions participantes pour financer 1 200 chirurgies supplémentaires, l’établissement de cliniques d’arthroplastie, l’équipement, des rénovations, la formation du personnel et l’administration du projet. Les interventions se sont déroulées dans un environnement contrôlé échappant aux pressions habituelles du système, notamment la concurrence pour les lits et les salles d’opération.

En janvier 2007, on présentait les résultats après trois mois de suivi des patients. Par rapport aux patients traités selon l’approche classique, les patients du projet-pilote exprimaient une satisfaction plus grande quant aux soins reçus. La durée du séjour à l’hôpital est passée de 6 à 4,7 jours. Le temps d’attente entre la recommandation du médecin de famille et la consultation avec le chirurgien a diminué de 85 %, soit de 145 jours ouvrables à 21. Le temps d’attente entre la première visite au chirurgien et la chirurgie comme telle a chuté de 87 %, de 290 jours ouvrables à 37. Les frais hospitaliers — salle d’opération, prothèse et séjour — ont baissé de 15 % et le coût total du dossier, de 2 %.

Les retombées

Si certains médecins peuvent voir la normalisation de la pratique chirurgicale comme une atteinte à leur indépendance, beaucoup ont changé d’avis au cours du projet. D’autres hésitaient à installer un second bureau dans une clinique d’arthroplastie, considérant qu’il s’agissait d’un emploi du temps peu efficace.

Avec l’intégration du nouveau modèle, il a fallu accroître la capacité chirurgicale pour réduire les temps d’attente. Une subvention spéciale du gouvernement fédéral destinée à réduire les temps d’attente a facilité l’investissement provincial initial. Deux régions, la Capitale et David Thompson, ont trouvé la capacité supplémentaire à même les ressources existantes. Dans la région de Calgary, où il n’y avait pas de capacité excédentaire dans le secteur public pour accroître le nombre de chirurgies (plusieurs hôpitaux de la ville sont en cours d’expansion), l’office régional de la santé a confié au Health Resources Centre, un établissement privé à but lucratif, environ 20 % des interventions. Toutes les tâches administratives étaient centralisées et les chirurgies ont été payées par les fonds publics.

Les possibilités d’élargissement

Les partenaires reconnaissent qu’il sera plus difficile et plus long d’atteindre des résultats semblables dans un environnement non contrôlé. Mais des démarches sont entreprises. Le nombre de chirurgiens participants a déjà plus que triplé, passant de 13 à 45.

À l’automne 2006, à la lumière de résultats préliminaires, les trois régions du projet-pilote commençaient à faire du nouveau continuum la norme de soins pour l’arthroplastie de la hanche et du genou. Dans la région David Thompson, tous les chirurgiens orthopédiques installeront leur cabinet principal d’arthroplastie dans une nouvelle clinique, où sera centralisée l’admission des patients. Le ministère provincial de la Santé et du Mieux-être encourage les six autres régions à adopter le nouveau modèle pour que tous les patients de la province y aient accès.