Transferts fédéraux au secteur de la santé et des services sociaux du Québec

Le comité d’experts sur les interventions fédérales dans le secteur de la santé et des services sociaux de 2002 à 2013 a déposé son rapport au ministre de la Santé et des Services sociaux le 4 mars, 2014. Le comité était mené par deux anciens sous-ministres de la Santé, messieurs Denis Lalumière et Pierre Maloui.

Le rapport présente un bref historique des relations fédérales-provinciales depuis la Confédération en matière de transferts de budgets de santé et des services sociaux. Les experts ont répertorié 37 interventions fédérales depuis 2002 qui, selon l’avis du comité, ont eu des répercussions sur la capacité du Québec de planifier, organiser, gérer et évaluer les soins de santé et services sociaux offerts sur son territoire.

Les auteurs fournissent le budget total et la proportion accordée au Québec pour chaque initiative. Les sommes coulent au ministère, aux établissements de santé, aux organismes communautaires, etc, ainsi qu’à des organismes pan-canadiens, tels Inforoute Santé Canada, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) ou le Conseil canadien de la santé. Tout compte fait, les auteurs concluent que le Québec reçoit 16,3 % de 1,39 milliard $ transféré en moyenne chaque année du budget fédéral en matière de santé et de services sociaux. C’est moins que la proportion de 23,2 % que la province devrait recevoir en fonction de sa part de la population canadienne.

Des bénéfices importants

Pour chacune des 37 initiatives, les auteurs présentent les objectifs du programme, les conditions attachées aux fonds fédéraux, et l’impact sur les soins de santé et services sociaux du Québec. Les auteurs constatent que dans de nombreux programmes, où les priorités correspondent à celles du ministère de Québec, les fonds fédéraux bénéficient la population visée. Les exemples incluent les transferts fédéraux pour la réduction des temps d’attente, l’achat d’équipements médicaux, la stratégie nationale d’immunisation qui a permis au Québec d’introduire de nouveaux vaccins, et la contribution fédérale pour les langues officielles en santé, que les auteurs estime améliore la capacité du réseau à répondre aux besoins.

Cependant, même quand les initiatives correspondent aux priorités du Québec, les problèmes se posent lorsque les déboursements sont subordonnés à l’atteinte de mesures de performance spécifiques, comme c’est le cas pour le financement des groupes de médecine familiale, la participation des personnes handicapées au marché du travail, ou l’intégration des professionnels de la santé formés à l’étranger. Les auteurs indiquent que de lourds fardeaux bureaucratiques et des exigences de reddition de compte nuisent à la capacité du Québec de recevoir ce financement.

La surveillance pose problème

Les initiatives qui présentent les plus grands problèmes pour le Comité d’experts sont les organisations pancanadiennes qui assument un rôle de tutelle sur les soins de santé et qui encouragent la notion qu’il y a un système de santé canadien. Quatre sont mentionnés en particulier :

  1. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) : Québec a une entente avec l’ICIS depuis 2004 et bénéficie de certains de ses produits et services. Toutefois, le Comité d’experts s’oppose résolument aux rapports de l’ICIS qui jugent la performance du système de santé et effectue des comparaisons entre les provinces. Les auteurs estiment que les rapports de l’ICIS portent atteinte à la Commissaire à la Santé et au Bien-être du Québec, qui est l’organisme mandaté par la province pour faire rapport à la population sur l’état de soins de santé et services sociaux.
  2. Le Conseil canadien de la santé reçoit des critiques semblables. Créée en 2004 pour surveiller l’Accord sur la santé régissant les transferts désignés d’Ottawa, le Conseil de la santé a été fermé en Mars 2014 après que le Premier ministre Harper a décidé de ne pas renouveler l’Accord.
  3. Inforoute : Bien que les auteurs affirment qu’Inforoute a permis au Québec de faire des progrès en technologie de l’information et des communication (TIC), ils attribuent une partie de l’incapacité de la province à percevoir la totalité des sommes disponibles à l’imposition de conditions qui ne respectent pas les priorités du Québec, surtout la condition que l’architecture du système québécois soit interopérable avec les systèmes du reste du Canada.
  4. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) remonte à 2006, quand il a assumé les responsabilités de l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS). Alors que l’OCCETS coordonnait les efforts d’évaluation des différents organismes provinciaux, l’ACMTS a centralisé les opérations davantage, laissant peu de place aux organismes provinciaux, tels que l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS). L’ACMTS et INESSS se tiennent mutuellement au courant de leurs initiatives respectives, mais il y a duplication et le Québec ne reçoit pas de fonds fédéraux pour l’INESSS.

Ces quatre organismes reçoivent un financement important du gouvernement fédéral et le Comité d’experts estime que le Québec ne reçoit pas la part qu’il devrait de ces dépenses. Le financement du fédérale pour Inforoute et l’ICIS compte à lui seul pour plus de $300 million de l’écart de $830 million entre ce que le Québec a reçu et la somme qu’il aurait été en droit de recevoir, selon le Comité d’experts, en fonction de son poids démographique entre 2002 et 2013.

Dans leur conclusion, les auteurs se disent « persuadés que la cohésion et l’efficience du système de santé québécois seraient améliorées si le gouvernement fédéral se retirait de ce champ de compétence du Québec et transférait au gouvernement du Québec les ressources qu’il y consacre. » Par contre, les détails présentés dans le rapport permettent une conclusion plus nuancée, une qui verrait la préservation des initiatives qui apportent, selon même les auteurs, des bénéfices importants à la population québécoise ainsi qu’une analyse de pourquoi les jalons imposés par le fédéral posent problème et de comment la province pourrait bénéficier de comparaisons inter-provinciales sur des mesures de qualité importantes.

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