L’engagement communautaire prend plusieurs formes : bénévoles sur les unités de soins, donateurs et collecteurs de fonds, conseillers qui, grâce à leur expérience de leadership, encadrent les comités et les conseils chargés d’aider l’hôpital à répondre aux besoins de la communauté. Ce rapport rassemble les travaux entrepris par l’IASI-CUSM et le FIS en vue d’explorer l’engagement communautaire au CUSM et de contribuer à la définition d’une vision commune qui aidera chaque groupe à orienter ses efforts vers l’avenir. —Produit dans la cadre du programme 2013 de l'IASI-CUSM

Principaux messages    10 mesures à prendre   Rapport intégral (pdf)

Renforcer les soins de santé et les communautés

RinfretLa communauté joue un rôle crucial au Centre universitaire de santé McGill. Nos racines remontent à ceux et celles qui ont tenu à assurer à leurs concitoyens des soins et des services de qualité. Leur intérêt et leur dévouement ont insufflé la vitalité nécessaire à un établissement en constante évolution, et les générations suivantes ont emboîté le pas. L’engagement communautaire se décline sous plusieurs formes. Nous sommes redevables aux bénévoles qui œuvrent dans nos hôpitaux, aux patients qui siègent à des comités et aux membres du conseil d’administration, dont les efforts ont valu au CUSM une mention spéciale des organismes d’agrément en 2013. Nous avons bénéficié du précieux savoir-faire d’individus et de groupes auxquels nous nous sommes adressés pour peaufiner nos programmes et nos projets. Nous sommes également très reconnaissants envers les collecteurs de fonds et les donateurs, dont la générosité et le soutien nous ont aidés à bâtir des édifices, à acquérir de l’équipement et à élaborer de nouveaux programmes de soins pour les patients. Notre défi va bien au-delà de la préservation des liens qui se sont tissés entre la communauté et l’hôpital depuis plus d’un siècle ; nous devons aussi multiplier les possibilités de participation et incorporer aux activités de l’hôpital les idées et le dynamisme de la communauté élargie, et ce, à tous les niveaux. Le présent rapport montre clairement à quel point le bénévolat renforce et les soins de santé et les communautés. À nous de veiller à rapprocher tous ceux et celles qui veulent contribuer à l’excellence des soins de santé.

— Normand Rinfret, Director General and CEO, MUHC

Introduction

Les bénévoles fournissent l’énergie et les ressources requises pour soutenir l’excellence dans nos hôpitaux. Leurs activités reflètent et façonnent à la fois l’appui communautaire, cultivant un sentiment de fierté, de responsabilité et d’appropriation à l’égard des institutions publiques.

Pendant qu’il se prépare à déménager bon nombre de ses activités dans de nouveaux sites, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) s’efforce de rallier les communautés fortement attachées aux anciens sites tout en élargissant et en raffermissant les appuis pour le nouveau CUSM. Il faut se retrousser les manches pour harmoniser les pratiques, coordonner les priorités, unir les forces et s’ouvrir à de nouvelles parties prenantes.

Les défis auxquels le CUSM est confronté sont situationnels, mais ils surviennent en même temps que s’opèrent d’importants changements dans les pratiques du bénévolat, de la philanthropie et de la gouvernance. Or, ces changements transformeront non seulement la culture de l’engagement communautaire, mais aussi sa forme et son incidence sur les établissements et la société. En 2013, l’Institut d’analyse stratégique et d’innovation du CUSM (IASI-CUSM) a créé des occasions en vue d’explorer les diverses manifestations de l’engagement communautaire et ainsi contribuer à la définition d’une vision commune qui aidera chaque groupe à orienter ses efforts vers l’avenir.

L’engagement communautaire prend plusieurs formes et l’exploration de l’IASI a porté sur chacune d’entre elles : bénévoles, donateurs et conseillers qui, grâce à leur expérience de leadership, encadrent les comités et les conseils chargés d’aider l’hôpital à répondre efficacement aux besoins de la communauté. L’IASI s’est également penché sur les liens entre les différentes activités afin de mieux comprendre comment favoriser l’engagement communautaire.

Ces travaux s’appuient sur des recherches menées au CUSM et ailleurs. En 2011, Mme Barbara Vyncke, alors en stage au CUSM, a rédigé un rapport intitulé Analysis of Volunteer Services and Auxiliary Groups across the MUHC (Analyse des services bénévoles et des groupes d’auxiliaires au CUSM) pour le Bureau de soutien à la transition. Examinant les points forts, les défis et les occasions futures des services de bénévoles et d’auxiliaires du CUSM, elle a relevé quatre grandes tendances dans la gestion des ressources bénévoles de l’hôpital :

  1. Changements dans les motivations et les besoins des bénévoles
  2. Élaboration de pratiques de gestion efficaces (et professionnelles) du bénévolat
  3. Défis propres au maintien des auxiliaires
  4. Accent sur l’évaluation de la valeur économique des bénévoles et du coût de la gestion des ressources bénévoles

Les résultats obtenus par Mme Vyncke font écho aux thèmes mis en lumière dans les travaux portant sur le bénévolat dans le secteur de la santé, réalisés par Mme Femida Handy — auparavant professeure à l’Université York (Ontario) et aujourd’hui à l’Université de Pennsylvanie, et rédactrice en chef du Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly. À l’Université York, Mme Handy a effectué certaines des rares études canadiennes uniquement consacrées aux bénévoles en milieu hospitalier. Dans un article publié par le Canadian Centre for Philanthropy and Volunteer Canada, elle a mené des entrevues avec le personnel et les bénévoles de 31 hôpitaux de la grande région de Toronto. Elle a montré que 74 % des bénévoles étaient des femmes, dont 57 % étaient âgées de plus de 54 ans, et a noté que le nombre de bénévoles à long terme chutait avec le temps. Elle a aussi observé que les étudiants étaient plus nombreux à faire du bénévolat, principalement en raison d’exigences scolaires, mais qu’ils y consacraient moins de temps que le groupe plus âgé. Selon un sondage réalisé pour l’Institut de la statistique en 2010, si 91 % des bénévoles dans les établissements de santé étaient motivés par le désir de contribuer à leur communauté (comme les bénévoles d’autres secteurs), 70 % ont également mentionné qu’ils étaient personnellement touchés par la cause.

La professeure Handy s’est aussi intéressée, dans des rapports publiés en 2004 et 2005, à la valeur que les directeurs d’hôpitaux accordent aux bénévoles. Tous croyaient que leur programme de bénévolat était rentable et considéraient les bénévoles comme des relationnistes et d’importants agents de liaison avec leurs communautés.

La gestion des activités bénévoles dans les hôpitaux devient de plus en plus professionnelle et divers centres canadiens explorent de nouvelles pratiques. Au CUSM, les pratiques varient selon les sites et on s’emploie actuellement à en harmoniser certaines. Trois personnes des services bénévoles du CUSM inscrites au certificat en leadership offert par l’École d’éducation permanente de McGill se penchent actuellement sur des modèles d’amélioration des pratiques.

Les auxiliaires, regroupés dans des organisations entièrement gérées par des bénévoles, font partie du paysage de la santé montréalais depuis plus de 150 ans. Leurs bénévoles concentrent leurs efforts sur la collecte de fonds au sein de l’hôpital. Précieux ambassadeurs de bonne volonté au sein de la communauté, les Auxiliaires des hôpitaux du CUSM envisagent maintenant la possibilité de se regrouper sous la bannière des Amis du CUSM et se sont donné pour mission d’appuyer l’éducation, la cause des patients et les relations communautaires tout en faisant la promotion des collectes de fonds au sein de la communauté et des établissements.

La littérature fait état d’un malaise généralisé chez les auxiliaires hospitaliers, qui partagent désormais la scène avec des organisations bénévoles et des fondations dirigées par des professionnels. Les auxiliaires se sentent également menacés par les fusions d’hôpitaux ainsi que les partenariats publics-privés qui cèdent de l’espace aux partenaires privés. Dans le sondage mené par la professeure Handy, 24 % des hôpitaux torontois ont récemment abandonné les programmes d’auxiliaires.

Les fondations s’adaptent également à la nouvelle réalité. Un numéro spécial de KCI Philanthropic Trends Quarterly publié en 2012 souligne que les objectifs des donateurs ont changé : dans les années 1990 (et avant), on donnait à un établissement, mais depuis les années 2000, on donne au projet d’un établissement et on s’attend à des retombées immédiates. « Les donateurs veulent savoir que vous changez les choses comme vous avez dit que vous les changeriez », écrit Mme Marnie Spears, présidente et chef de la direction de KCI. Aujourd’hui, les principaux donateurs veulent être partie prenante de l’organisation.

Certains craignent que cette tendance entraîne le désengagement des gouvernements quant à leur responsabilité de fournir des services publics et procure aux donateurs un pouvoir décisionnel trop grand. En 2009, à l’occasion d’un colloque, M. Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec, faisait une mise en garde : « On cède à des individus bien nantis la légitimité de produire des services publics. »

En septembre 2013, l’IASI-CUSM a tenu une conférence d’une demijournée visant à examiner ces changements, savoir ce qu’en pensent les divers acteurs et mieux comprendre comment aller de l’avant.

Bénévoles

Bénévoles au CUSM

Bénévoles au CUSM

Plus de 2 000 bénévoles donnent de leur temps à l’un des six sites du CUSM afin d’aider l’organisation à offrir les meilleurs soins pour la vie. Quatre membres du personnel sont responsables de la gestion et de la coordination des services bénévoles.

Étudiants bénévoles

Mme Ann Hébert, directrice des bénévoles à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), a confirmé lors de la conférence de l’IASI que la plupart des tendances générales mentionnées ci-dessus s’observaient également au CUSM, principalement en ce qui a trait à la proportion grandissante d’étudiants parmi les bénévoles. Ce changement a une incidence considérable sur les programmes de bénévolat de l’hôpital. La discussion a fait ressortir les quatre points suivants.

1. Le groupe des étudiants occupe une place grandissante parmi les bénévoles

« Quelque 60 % des bénévoles de l’HME sont des étudiants », a précisé Mme Hébert. Ses collègues de l’Hôpital général de Montréal (HGM) et de l’Hôpital Royal Victoria (HRV) constatent que les étudiants bénévoles sont de plus en plus nombreux. Selon elle, l’attrait du CUSM s’explique en partie par sa proximité aux universités et cégeps du centre-ville de Montréal.

2. Les responsables du bénévolat doivent consacrer plus de temps aux étudiants bénévoles

Jeunes bénévoles

Jeunes bénévoles

Chez les étudiants, les activités de bénévolat se font généralement à court terme et exigent plus de formation et d’encadrement, notamment pour l’acquisition des aptitudes sociales requises pour réconforter et aider les patients. « Il n’est pas du tout évident d’entrer dans la chambre d’un patient et de faire instantanément la bonne chose », explique Mme Hébert. Cependant, tous les coordonnateurs des bénévoles considèrent que l’effort supplémentaire en vaut la peine. « Éduquer et donner aux jeunes les outils nécessaires sont des tâches qui relèvent de notre mandat, poursuit-elle. Le bénévolat est un cadre idéal pour les jeunes, qui viennent acquérir des connaissances, des compétences et de l’autonomie. C’est un plaisir de les voir grandir dans ce rôle. » Mme Rita Giuliane, directrice des bénévoles à l’HGM, expérimente le mentorat par les pairs, encourageant les étudiants à demander conseil par texto à des bénévoles plus expérimentés. Elle considère que l’évolution de l’étudiant, de nouveau venu à mentor, est un aspect important du développement. Des bénévoles chevronnés peuvent aussi participer à la formation et au soutien des étudiants ; les employés reconnaissent des visages familiers parmi eux et leur demandent parfois de s’assurer que l’approche des étudiants envers les patients est adéquate.

3. Les motivations des étudiants sont différentes de celles des autres bénévoles

Les étudiants font du bénévolat principalement pour pouvoir l’inscrire dans le curriculum vitae qu’ils soumettront dans leurs demandes d’admission à l’université. Le recrutement ne pose pas problème, car le nombres de candidats excède toujours le nombre d’étudiants que peuvent employer les coordonnateurs. « Le bouche-à-oreille demeure la méthode de recrutement la plus efficace, dit Mme Hébert. Certains bénévoles offrent leurs services parce que des membres de leur famille ont été hospitalisés dans nos établissements ; d’autres sont d’anciens patients de l’HME et reviennent en tant que jeunes adultes pour se rendre utiles. » Cependant, la grande majorité des étudiants bénévoles n’ont aucun lien particulier avec l’hôpital, sinon intérêt pour les sciences de la santé.

4. Le bénévolat étudiant fait souvent l’objet de programmes spéciaux

Bénévoles STEP

Bénévoles STEP

Pour faciliter l’intégration des étudiants, on crée des programmes à durée déterminée. Mme Nevine Fateen, directrice des bénévoles de trois sites du CUSM (HRV, Institut et Hôpital neurologiques de Montréal et Institut thoracique de Montréal), est responsable du programme STEP (acronyme de Student Training and Education Program), financé par Pfizer, qui recrute au secondaire et au cégep des bénévoles qui donneront 50 heures de leur temps pendant les mois d’été. M. Jonathan Mirarchi participait à ce programme à l’été 2013 et a relaté son expérience lors de la conférence de l’IASI. « J’ai passé la moitié de mon temps dans la salle de dialyse, à divertir et à aider les patients. L’autre moitié, je circulais dans l’hôpital pour offrir des films et des livres aux patients hospitalisés à long terme et distraire ces derniers. » La mission du STEP consiste en partie à exposer les jeunes aux professions de la santé et les amener ainsi à poursuivre des études dans ce domaine. Des professionnels de divers horizons présentent leur travail et leur parcours. Les fonds que Pfizer verse au programme permettent d’embaucher un coordonnateur à mi-temps qui participe à la sélection et à la formation des étudiants, et prépare aussi le personnel de l’unité de soins à intégrer des programmes étudiants dans leurs activités.

À l’Hôpital général de Montréal, en collaboration avec la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Mme Giuliane offre aux étudiants en médecine la possibilité d’obtenir des crédits en faisant du bénévolat pour mieux comprendre la perspective des patients. Tenus volontairement à l’écart de toute intervention médicale, ils sont là pour améliorer l’expérience du patient hospitalisé. Le programme assure la provision d’un nombre régulier d’étudiants chaque semestre; par contre, il requiert aussi un surcroît de travail de la part des directrices des bénévoles qui sont responsables de la formation et de la gestion de ce groupe. La sélection des étudiants relève de l’université.

Relations entre le personnel et les bénévoles

Dans les sondages qu’elle a réalisés, la professeure Handy a constaté un certain malaise quant au chevauchement des tâches des bénévoles et des employés syndiqués. Par conséquent, la direction des hôpitaux veille à ne pas décrire le rôle des bénévoles comme étant « essentiel » et à ne pas laisser entendre que l’hôpital ne pourrait fonctionner efficacement sans eux. Mais cela ne semblait pas soulever de problèmes au CUSM, surtout chez les infirmières, dont la proximité avec les bénévoles est la plus étroite.

Mme Line Larocque, présidente du Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires du CUSM, a parlé avec des infirmières en préparation de la conférence de l’IASI. Ces dernières lui ont dit apprécier grandement le travail des bénévoles, jamais assez nombreux selon elles. « Les infirmières savent que certains patients reçoivent peu ou pas de visites, a expliqué Mme Larocque à la conférence. Les bénévoles sont donc très prisés par les patients, que ce soit parce qu’ils leur apportent des livres, les amènent à des activités ou les accompagnent à l’extérieur. » Le personnel reconnaît leur contribution. La charge de travail des infirmières est énorme, et même si elles aimeraient passer plus de temps avec les patients, elles doivent accorder la priorité à la prestation des soins. Mme Larocque dit aussi que les patients hésitent bien souvent à « déranger » les infirmières pour parler du chat qu’ils ont laissé seul à la maison, « mais ils en parleront aux bénévoles qui ont le temps de les écouter. »

Pour éviter les tensions entre les bénévoles et le personnel, il suffit de définir clairement le travail des bénévoles, qui semble très bien circonscrit et respecté au CUSM.

Dans ses commentaires, Mme Larocque a bien fait sentir l’enthousiasme des infirmières à l’endroit des bénévoles et mentionné la possibilité d’améliorer la coordination et la communication avec eux pour s’assurer que les patients profitent pleinement du temps qu’ils leur accordent.

« J’ai demandé aux infirmières ce que nous pourrions faire pour utiliser à meilleur escient le temps des bénévoles. Certaines m’ont dit de communiquer davantage avec les bénévoles et d’en coordonner les activités avec les leurs, allant même jusqu’à inclure les visites des bénévoles dans les plans de soins. Le matin, quand l’infirmière prépare sa journée, si elle sait qu’un bénévole se présentera entre 11 heures et midi, elle s’occupera des soins au patient dans la matinée et, à l’arrivée du bénévole, le patient sera disponible et pourra profiter de la visite de ce dernier. Cela peut sembler banal, mais il s’agit d’une information importante à inclure dans le déroulement de la journée.
Les infirmières ont aussi mentionné qu’il pourrait être utile de discuter avec les bénévoles après la visite au patient. L’assistante ou la gestionnaire parle souvent avec les bénévoles, mais l’infirmière gagnerait à mieux les connaître, ce qui lui fournirait l’occasion de se renseigner directement sur les inquiétudes soulevées par le patient. »

La directrice des bénévoles consacre une bonne partie de son temps à préparer le personnel, surtout les infirmières, à travailler avec les bénévoles. À l’HRV, Mme Fateen juge utile de mettre en place des programmes qui permettront au personnel infirmier et aux bénévoles de savoir à quoi s’attendre. Mme Hébert, pour sa part, a mentionné qu’il n’est pas facile de trouver rapidement le bénévole qui répondra adéquatement à la demande de la famille d’un patient. Elle a ajouté qu’il était important de s’assurer que tout nouveau bénévole soit bien formé, surtout par rapport aux exigences de confidentialité, de sécurité et de lavage des mains, avant de se présenter dans les unités.

Activités des bénévoles

Les responsables des bénévoles des divers sites sont confrontés à des défis particuliers dans le recrutement, la formation et l’utilisation des ressources bénévoles, dont la prise en charge des besoins des bénévoles potentiels et des patients. En fait, ce sont les responsables des bénévoles qui jettent des ponts entre l’établissement et les membres de la communauté qui souhaitent consacrer du temps à l’amélioration de l’expérience des patients hospitalisés.

M. Alex Paterson n’est sans doute pas un bénévole type, ayant été président du conseil d’administration et premier président de la campagne Les meilleurs soins pour la vie. Après une hospitalisation, il a décidé de faire du bénévolat à l’hôpital même plutôt qu’au comité de gouvernance. Il a exploré quelques possibilités avant de trouver le rôle qui correspondait le mieux à ses intérêts et aux besoins de l’hôpital.

Il a d’abord suivi la formation des bénévoles de trois établissements (l’HGM, le Neuro et l’Institut thoracique), puis a visité l’HRV ainsi que d’autres sites et l’unité de soins psychiatriques de l’HGM. Ces démarches lui ont finalement permis de trouver sa voie : portier à l’Hôpital général de Montréal. « Il suffit d’aimer le contact avec les gens et de vouloir aider ceux qui sont perdus, dit-il. Après deux ou trois heures, vous quittez l’hôpital et êtes la plupart du temps content d’avoir aidé des gens, souvent perdus et parfois même en détresse, à s’orienter dans un immense établissement (imaginez ce que sera le nouveau site Glen !). Vous êtes là et vous pouvez les aider. Vous devenez les yeux de ceux qui ne voient pas et les jambes de ceux qui ne marchent pas. C’est très gratifiant. »

De son poste de portier, il voit des possibilités d’amélioration. Il s’agit souvent de détails, mais dont l’impact sur les patients est considérable : devoir parcourir les couloirs pour trouver le bureau des cartes d’hôpital alors que ceui-ci pourrait se trouver à l’entrée centrale ; faciliter l’accès des fauteuils roulants ; localiser un proche qu’on vient d’amener à l’urgence ou aux soins intensifs, trouver un journal en pleine nuit…

Comme d’autres bénévoles, il privilégie le patient et s’emploie à rendre son expérience plus agréable. Il est bien placé pour recueillir de l’information sur les problèmes et trouver des moyens relativement simples de les corriger. Il comprend également à quel point certains patients sont mal équipés pour s’orienter dans le milieu hospitalier. « Vous seriez étonné d’apprendre combien de gens arrivent à l’hôpital sans même connaître le nom de leur médecin ou de leur clinique », dit-il.

« Les bénévoles sont témoins de toutes sortes de problèmes dans les hôpitaux, poursuit M. Paterson. Les établissements doivent les écouter attentivement pour tirer parti de leurs connaissances. » Selon lui, les comités de la qualité sont un pas dans la bonne direction.

Auxiliaires

Les auxiliaires bénévoles travaillent indépendamment des services et fondations bénévoles, et leur mission ainsi que leurs activités chevauchent et complètent celles d’autres groupes. À la conférence de l’IASI, Mme Sue Britton, présidente des Auxiliaires de l’HRV, considère que les auxiliaires bénévoles sont motivés par un sentiment d’appartenance à l’établissement et par l’aspect social du bénévolat. On trouve dans leurs rangs beaucoup d’infirmières qui ont été formées et ont fait carrière dans les hôpitaux du CUSM ainsi que des membres de la famille du personnel hospitalier.

Le travail de l’auxiliaire consiste avant tout à jouer un rôle utile dans l’amélioration de la qualité des soins, et ce, en amassant des fonds et en offrant des services bénévoles. La collecte de fonds prend plusieurs formes, comme l’a dit Mme Britton à l’occasion de la conférence. « Nous avons des fonds de dotation familiaux et des placements qui dégagent des revenus, de l’espace commercial dans un salon de coiffure, une pharmacie Jean Coutu et au Café Vienne, et des distributrices. Nous avons aussi une bibliothèque ambulante et nous organisons plusieurs activités : ventes d’artisanat, bals de charité, tournois de golf, tirages de paniers de Noël, brunchs, ventes aux enchères, ventes de pâtisseries, etc. » Les auxiliaires bénévoles assurent une présence constante dans l’hôpital, distribuant du café aux patients externes, accueillant les patients, les orientant dans l’hôpital, etc.

Les décisions quant à l’affectation des fonds recueillis par les auxiliaires sont prises par les unités cliniques, souvent en réponse aux demandes des cliniciens désireux d’acquérir de nouveaux équipements. En tant que membre du conseil des auxiliaires, Mme Britton siège au conseil de la Fondation de l’HRV.

Les membres auxiliaires sont d’importants bâtisseurs communautaires et offrent à la communauté élargie des occasions de participer aux collectes de fonds qui sensibilisent la population au travail de l’hôpital. En 2013, le tout premier « Défi Toonie » organisé par les Amis du CUSM invitait les élèves du primaire et du secondaire (ainsi que leurs parents) à participer à une collecte de fonds, qui a aussi permis de sensibiliser la communauté aux activités du CUSM et de susciter un sentiment d’appartenance au nouvel hôpital. Un événement organisé au nouveau site du CUSM a donné aux participants un aperçu de « leur » futur hôpital.

Membres de l'auxiliaire du CUSM

Membres de l’auxiliaire du CUSM

Les auxiliaires offrent une certaine continuité aux anciens employés, en leur donnant la possibilité de faire bon usage de leur connaissance intime de l’hôpital et de ses rouages, et procurent au personnel l’occasion de mettre à profit le temps passé avec d’anciens collègues.

Le déménagement au nouveau site présente des défis considérables pour les auxiliaires, que ce soit de conserver leurs sources de revenus et leurs membres, d’apprendre à connaître le nouveau site aussi bien que l’ancien, et de bâtir des réseaux avec de nouveaux participants. Le rôle d’ambassadeur que jouent les auxiliaires pour favoriser les relations entre l’hôpital et la communauté sera d’autant plus important pendant la période du déménagement.

Fondations

Des dons de charité sont à l’origine de la création de tous les établissements de santé montréalais et, à l’ère des soins hospitaliers publics, ils demeurent essentiels à leur exploitation.

À la conférence de l’IASI, Mme Catherine Rowe, aujourd’hui vice-présidente exécutive de la Fondation du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine et auparavant vice-présidente exécutive, Développement, de l’Institut et Hôpital neurologiques de Montréal, a évoqué le don d’un million de dollars de Donald Smith et George Steven, qui a permis de construire l’HRV dans les années 1880 ; le don de la Fondation Rockefeller, obtenu grâce au Dr Wilder Penfield pour la création de l’Institut neurologique ; la contribution de Lacosse Beaubien et de la bourgeoisie canadienne-française pour la construction de Sainte-Justine, le premier hôpital francophone pour enfants ; et le don de briques individuelles des familles de la ville au plus fort de la Grande Crise pour bâtir l’Hôpital général juif de Montréal, en 1934.

Les besoins

Aujourd’hui cependant, on pourrait se demander à juste titre si les collectes de fonds ne sont pas le résultat d’un désengagement du gouvernement, une question soulevée par le conseiller spécial auprès de l’IASI, M. Bernard Lord, qui présidait un groupe d’experts sur la collecte de fonds lors de la conférence de l’IASI.

Le site Web de l’Hôpital général juif (HGJ) de Montréal présente un aperçu clair et sincère de la réalité actuelle :

« Le fonctionnement journalier de l’hôpital est financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Toutefois, le financement gouvernemental ne couvre pas tous les frais associés à la recherche et l’enseignement, ni l’ensemble des appareils de haute technologie, des services et programmes nécessaires pour demeurer à l’avant-garde des découvertes scientifiques, de l’innovation et de l’excellence clinique. Aujourd’hui, les soins de santé de qualité supérieure dépendent de plus en plus de la générosité de personnes, de sociétés et de fondations, toutes conscientes de l’importance que revêtent les contributions du secteur privé pour qu’un hôpital puisse le mieux remplir ses trois fonctions complémentaires : la prestation des soins, l’enseignement et la recherche. Afin d’assurer que les normes d’excellence de l’HGJ ne soient jamais compromises, nous devons compter sur la générosité de personnes qui reconnaissent qu’un investissement dans notre hôpital est un investissement dans l’avenir des soins de santé, qu’il est une promesse de nouveaux traitements, de meilleurs services, de mesures de prévention et de dépistage précoce, de gestion optimale des maladies chroniques et de leur éventuelle éradication. »

Avec la hausse des coûts de la santé et le vieillissement de la population, le soutien communautaire devient encore plus important. Selon une étude publiée par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) en décembre 2013, si rien n’est fait, la population vieillissante verra le budget de la santé passer de 43 % des revenus totaux de la province à près de 70 % en seulement 15 ans7. Dans une conversation tenue avant la conférence, M. Paterson soulignait la nécessité des contributions de la communauté : « Notre système public est financé par les impôts, mais sans l’apport des communautés, il serait assez rudimentaire. Le bénévolat et les collectes de fonds ont toujours été et continueront d’être indispensables à notre réseau de la santé. »

À la conférence, Mme Rowe abondait dans le même sens : « Au Québec, ce sont les dons philanthropiques qui ont permis les grandes percées dans le secteur de la santé, que ce soit l’acquisition d’équipement à la fine pointe ou les capitaux de démarrage nécessaires aux projets de recherche que les sources gouvernementales classiques n’auraient pas financés. La capacité des individus de changer les choses grâce à la philanthropie a permis à notre système de santé d’agir au-delà de sa capacité. »

Créer des occasions

Au sein des hôpitaux, les fondations jouent un rôle de leaders dans la sollicitation et la gestion des dons. Ce sont des entités distinctes, dirigées par leurs propres conseils, mais qui travaillent de concert avec l’administration et le personnel de l’hôpital. Les fondations ont pour tâche de constituer un portefeuille d’occasions qui expriment clairement les priorités de l’hôpital, telles que déterminées par l’administration, en consultation avec ses cadres.

Mme Rowe dit qu’elle est un produit de la culture Centraide, un organisme « dirigé par des bénévoles, géré par du personnel ». Elle considère que les membres du personnel de la Fondation font le lien entre les bénévoles solliciteurs de fonds et l’administration hospitalière. Ceux-ci ont une bonne connaissance de l’établissement et peuvent y guider un donateur — lui indiquant qui fait quoi — et rassembler les gens. « La participation des bénévoles à la collecte de fonds, quand elle se fait de manière efficace et motivante, dit-elle, a des retombées beaucoup plus importantes que les fonds recueillis, car elle raffermit l’attachement de la communauté à l’établissement. »

Une image de marque

M. Robert Busilacchi, aujourd’hui directeur du Réseau de cancérologie Rossy, a été pendant 35 ans directeur général de plusieurs établissements de santé, le dernier étant l’Institut de cardiologie de Montréal. « Pour attirer des personnes influentes et des centaines d’autres qui sont nécessaires pour mener à bien sa mission et ses projets, l’organisation doit non seulement être crédible, mais aussi remplir son mandat, gérer efficacement ses ressources et projeter une image de marque au sein de la société. » Les gens veulent être associés à l’excellence, a-t-il poursuivi, et il faut des exploits pour attirer des membres influents de la communauté, « des choses exceptionnelles, qui n’ont jamais été faites auparavant ou qui nous permettront d’aller beaucoup plus loin. »

Tout compte fait, M. Busilacchi croit que ce sont les gens compétents et dévoués travaillant à l’hôpital qui donnent à l’établissement sa crédibilité ; ce sont eux les véritables ambassadeurs au sein de la communauté. Leur soutien doit être démontrable, qu’il soit sous forme de temps, d’argent ou d’énergie, pour que les donateurs de la communauté acceptent de participer.

Pour mobiliser la communauté ainsi que le personnel, la communication est essentielle. La fondation a pour tâche d’amener des centaines de personnes, une à une, à reconnaître l’importance d’un projet et de faire un suivi non seulement pour remercier les donateurs, mais aussi pour s’assurer que leur contribution est reconnue à la fois par l’hôpital et par la communauté élargie. « Quand d’importants donateurs ont une idée très précise de l’emploi de leurs fonds, il faut absolument s’assurer que le projet correspond aux grandes priorités de l’établissement », a souligné M. Busilacchi.

Mme Rowe est du même avis : « Un énoncé de mission très clair quant à la nécessité d’obtenir des fonds pourra inciter un donateur à contribuer aux améliorations. » Également, il est utile d’harmoniser les priorités du donateur et celles de l’hôpital.

S’impliquer

Les établissements qui se replient sur eux-mêmes, peu importe qu’ils se consacrent entièrement à l’excellence, ne réussiront pas à obtenir un soutien de la communauté, que ce soit sous forme de bénévoles ou de dons, croit M. Busilacchi. « Il s’agit, en somme, de la valeur que la haute direction attribue à la participation de la communauté », dit-il.

Cela veut dire, en partie, que l’établissement doit participer à des activités communautaires qui vont au-delà de sa propre mission. « Un hôpital est une importante organisation, qui doit aussi agir en réponse aux besoins de la communauté », a poursuivi M. Busilacchi. Des causes comme Centraide et les secours après l’explosion à Lac Mégantic ou le séisme en Haïti mobilisent les hôpitaux, qui doivent tenir compte non seulement de leur propre mission, mais aussi des besoins de la société. » Il avoue cependant qu’il n’est pas toujours facile de convaincre la direction de l’hôpital de prioriser les causes autres que celles de sa propre fondation, même s’il y a d’importants avantages à en retirer.

Les donateurs

En règle générale, c’est un professionnel de la santé qui établit le premier contact entre les particuliers et l’hôpital, et présente à ces derniers des façons de redonner à l’établissement, si tel est leur souhait.

Mme Karen Aziz, qui a donné naissance à un grand prématuré, a été très reconnaissante envers le personnel de l’unité de soins intensifs néonatals (USIN) et a tout de suite voulu contribuer à leurs efforts d’une façon ou d’une autre. « Le fait que j’aie pu ramener à la maison un bébé viable m’a rendu redevable, et j’ai voulu redonner du mieux que je pouvais. Je n’étais pas en position de participer activement (j’étais à la maison avec mon bébé), alors j’ai fait un don annuel à la mesure de mes moyens », a-t-elle dit à la conférence de l’IASI.

Rester en contact

Elle est toutefois restée en contact avec l’USIN dans les années qui ont suivi. « Le néonatologiste m’a suggéré de revenir à l’hôpital pour permettre aux infirmières et aux médecins de voir comment se portait mon fils, une occasion qui ne leur est pas toujours donnée. Donc, je passais à l’USIN deux ou trois fois par année et j’étais contente de voir les gens qui s’étaient occupés de lui, et vice versa. »

C’est lors d’une de ces visites, deux ans plus tard, que Mme Aziz a rencontré un ami dont le bébé se trouvait à l’USIN et a décidé de passer à l’action. Pour recueillir des fonds, ils ont organisé le cocktail des Petits survivants. Il a fallu cette rencontre, dit-elle, pour créer une synergie et, à partir de là, les choses ont bougé rapidement. J’ai appelé quelques parents que j’avais connus quand mon fils était à l’hôpital et ils ont accepté volontiers de participer. » Depuis cinq ans, la famille Aziz et d’autres familles ont organisé des collectes de fonds annuelles et recueilli des sommes considérables que l’USIN affecte à l’achat d’équipement.

Une collecte de fonds pour l'USIN

Une collecte de fonds pour l’USIN

Le soutien des fondations

Les Petits survivants sensibilisent également la communauté aux enfants prématurés et aux personnes qui les soignent. La Fondation HRV a soutenu leurs efforts, ce qui a convaincu les familles d’organiser un deuxième (puis un troisième et un quatrième) cocktail. Maintenant, après cinq ans, Mme Aziz aimerait passer le flambeau aux autres familles et espère que la Fondation pourrait l’aider en ce sens.

Conseillers et leaders

M. Mario Di Carlo est membre du conseil d’administration et membre exécutif du comité central des usagers au CUSM. Il est le représentant patient sur le programme Transforming Care at the Bedside (TCAB) et co-préside le comité des usagers à l’Institut et Hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro). Il est aussi membre du Conseil du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) et membre du conseil de l’Association québécoise de la douleur chronique (AQDC). M. Di Carlo est fondateur et président de la Fondation Ailes du papillon dont la principale raison d’être est d’améliorer la qualité de vie des enfants qui souffrent de différentes maladies neuromusculaires. Il est aussi Top Trainer pour les programmes d’auto-gestion de maladie chronique et de douleur chronique de la Stanford University, qui sont offerts au CUSM sous le titre Mon atelier.

Gwendolyn Andrews Nacos En plus d’être l’actuelle présidente de Natural Furs International, Gwendolyn Andrews Nacos est une leader philanthropique dont la mission vise à s’assurer que les Montréalais atteints de cancer et leurs familles aient accès au soutien voulu pour répondre à leurs besoins cliniques, psychosociaux, pratiques et financiers. Mme Nacos a commencé à faire du bénévolat en oncologie à l’Hôpital Royal Victoria (HRV), puis est devenue membre et, plus tard, présidente du Comité des usagers de l’établissement. Elle a également siégé au conseil d’administration de l’HRV et de l’Institut des Cèdres contre le cancer. En 1988, elle a fondé le CanSupport des Cèdres, et a été présidente de l’Institut des Cèdres contre le cancer de 1994 à 1996. Mme Nacos a été membre du premier conseil d’administration du CUSM intégré et du comité directeur du projet Glen. Elle a récemment donné le coup d’envoi à l’Initiative de la communauté grecque afin de recueillir des fonds pour la campagne Les meilleurs soins pour la vie.

L’expérience des patients est considérée comme un élément vital pour l’amélioration de la prestation des soins. Les occasions offertes par l’apport des patients sont de plus en plus nombreuses. Le Québec est la seule province qui, il y a 20 ans, a mandaté la formation de comités d’usagers dans tous les établissements de santé et créé le Regroupement provincial des comités des usagers qui avait pour fonction de soutenir les efforts des usagers, leur fournissant l’information, la formation, la médiation et les outils nécessaires à la défense des droits des patients. Deux représentants des patients siègent au conseil d’administration du CUSM et un Comité central des usagers offre un espace commun aux représentants des patients de tous les sites du CUSM.

M. Mario Di Carlo, coprésident du Comité des usagers de l’Institut et Hôpital neurologiques de Montréal et membre de la direction du Comité central des usagers du CUSM, a donné une présentation lors de la conférence de l’IASI. Né pendant l’épidémie de polio dans les années 1950 et resté partiellement paralysé, il possède une longue et régulière expérience de l’hôpital.

Initiatives centrées sur le patient

M. Di Carlo voit d’un bon œil le fait que le CUSM accorde une place considérable à la participation des patients. « Cette mentalité se traduit dans plusieurs projets, dit-il. Par exemple, l’initiative de transformation des soins au chevet du patient (TSAC) donne aux patients et au personnel soignant les moyens de travailler ensemble pour améliorer les soins. Dans le programme PAINFREE, les patients — des personnes âgées qui ont reçu leur congé après avoir subi une fracture — collaborent avec les employés dès le premier contact pour créer des outils de prise en charge à domicile. Les représentants des patients ont été consultés à toutes les étapes : la détermination de l’information nécessaire aux patients pour gérer efficacement la douleur ; la validation de la brochure pour s’assurer qu’elle est rédigée dans un langage simple et clair, et respecte les normes de littératie en santé ; la réalisation des entrevues auprès des patients et la présentation de la perspective du patient à l’équipe soignante. » M. Di Carlo a également participé à L’Atelier, un programme américain adapté pour le Québec, qui élabore des outils en vue de donner aux personnes souffrant de maladies chroniques les outils voulus pour prendre en charge leur maladie, faire équipe avec les professionnels de la santé et vivre une vie plus saine et enrichissante. « Ces programmes autonomisent les patients en matière de santé », affirme-t-il.

Le processus décisionnel

Les autres responsables de comités d’usagers que M. Di Carlo rencontre au sein du RPCU se montrent très intéressés par les projets du CUSM. À son avis, le CUSM est prêt à aller encore plus loin. « La prochaine étape logique est de passer de l’engagement à l’intégration ; en d’autres mots, l’établissement ne se contente pas d’inviter les utilisateurs à participer aux améliorations, mais fait une large place aux patients dans le processus décisionnel et l’élaboration des politiques. Le programme TSAC en est un bon exemple. » Comme M. Di Carlo l’a souligné, il y a une différence entre être informé d’une décision et avoir participé à la décision et, selon lui, les efforts continueront de porter sur la participation.

« On sent que le CUSM en entier est animé de la volonté de changement, du désir de faire participer les patients. Récemment, le Comité des usagers a obtenu qu’un représentant des patients participe à tous les grands projets d’optimisation, qui visent à rendre la prestation des soins plus efficiente. « Le conseil d’administration a donné son aval à cette proposition », a ajouté M. DiCarlo.

Amener les patients à participer

Un représentant de la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé — qui a fourni le soutien initial pour le projet TSAC et mène actuellement plusieurs projets liés à l’engagement du patient partout au pays — a soulevé une importante question lors de la conférence de l’IASI : comment amener les patients à participer à de telles activités de bénévolat, « à accepter de donner du temps pour codifier le véritable changement au niveau institutionnel, étape par étape. »

Comme le dit M. Di Carlo, avoir la conviction de changer les choses pour le mieux est le facteur le plus motivant qui soit. « Pour que les patients se consacrent à la cause, ils doivent croire qu’il est possible de changer les institutions, a-t-il affirmé haut et fort. Au CUSM, le Comité des usagers évolue dans un environnement sain et l’on sent que le changement s’opère. Le fait que des membres de la direction prennent part à nos groupes d’usagers et discutent des changements y est pour quelque chose. » Les différences d’ordre qualitatif sont importantes. Comme M. Paterson l’a dit, on peut mandater des changements dans la structure de gouvernance, comme ce fut le cas pour la représentation des patients, mais les lois ne peuvent à elles seules produire une transformation valable. Pour attirer des patients résolument engagés, il faut un environnement sincèrement réceptif.

Un coordonnateur des patients bénévoles de l’HME qui assistait à la conférence a souligné l’important rôle des infirmières et des médecins, qui occupent une position privilégiée pour faire savoir aux patients qu’ils seraient d’excellents représentants et les orienter vers les ressources appropriées. « Mais il faut pour cela que l’hôpital tout entier adhère à la philosophie de l’engagement du patient », a-t-il dit.

Le parcours du bénévole

En 2013, alors qu’elle donnait la la Conférence annuelle du directeur général de l’IASI, Mme Gwen Nacos a raconté comment elle en est venue à assumer des responsabilités toujours plus grandes au sein de l’établissement de santé. C’est à l’âge de 38 ans, après un diagnostic de cancer avancé de la vessie, qu’elle a été confrontée pour la première fois à l’inquiétante réalité du patient. Elle a appris qu’elle pouvait être utile à d’autres patients quelques semaines après avoir subi une chirurgie : une infirmière lui a demandé si elle accepterait de parler avec une patiente très anxieuse qui était sur le point de subir la même chirurgie qu’elle. « J’ai eu la chance de voir que mes paroles l’ont aidée à envisager l’intervention avec détermination plutôt qu’appréhension, a-t-elle dit. Cette rencontre m’a donné un avant-goût de la satisfaction profonde qu’apporte le bénévolat. »

Mme Gwen Nacos a présenté le discours annuel du directeur général

Mme Gwen Nacos a présenté le discours annuel du directeur général

À l’occasion d’une visite de suivi un an plus tard, une infirmière du centre de jour en oncologie lui a suggéré de s’engager dans le Comité des usagers de l’HRV et de faire bénéficier les autres de son expérience. Depuis, son engagement n’a cessé de se raffermir : elle est d’abord devenue membre du conseil d’administration du Fonds des Cèdres contre le cancer, puis a lancé CanSupport des Cèdres, qu’elle dirige encore 25 ans plus tard. Parallèlement à ces activités, Mme Nacos est devenue présidente du Comité des usagers de l’HRV, ce qui l’amène à siéger au conseil d’administration de l’hôpital. Aujourd’hui, elle est membre du conseil d’administration du CUSM : elle a été élue par vote populaire et préside deux comités, celui de la gestion de la qualité et des risques et celui des communications.

La participation à ces conseils lui a permis de franchir le premier pas, le plus important. « À partir de là, dit-elle, avec mon expérience de patiente, j’ai compris que j’avais une contribution à apporter. »

Aller de l’avant

Les présentations données à la conférence de l’IASI sur diverses formes d’engagement communautaire ont montré que la confiance individuelle envers l’établissement de santé est une condition sine qua non à la participation et à l’engagement. Cette confiance résulte de l’expérience personnelle auprès de l’établissement et de son personnel, mais aussi d’articles publiés dans les médias qui font le lien entre l’hôpital et la communauté élargie.

Communication

À la conférence de l’IASI, Mme Gerri Barrer, ancienne journaliste spécialisée en santé pour la CBC, a participé à un groupe d’experts et examiné le rôle joué par les médias. « Toute couverture médiatique portant sur un établissement de santé a des répercussions, positives ou négatives, sur l’engagement communautaire », a-t-elle affirmé. Comme influence positive, elle a mentionné la pandémie du virus H1N1, durant laquelle le CUSM a régulièrement et ouvertement communiqué avec les médias, ce qui a grandement rassuré la communauté. Elle a ajouté que le maintien de la confiance passait nécessairement par l’ouverture et la franchise. « Les porte-parole des établissements ne doivent pas céder à une tendance répandue dans les institutions, à savoir esquiver les questions délicates en commentant des choses sans importance. Ils devraient plutôt s’en tenir à ce qu’ils savent et parler des mesures prises pour corriger les problèmes. La communauté se sentira rassurée et ne craindra pas de fréquenter l’établissement. » Mme Barrer considère l’ouverture du nouveau site Glen comme une occasion de promouvoir l’engagement et souligne le besoin de permettre l’accès de la population au nouveau site le plus tôt possible.

Des relations bidirectionnelles

M. Russell Copeman s’est adressé aux participants non seulement à titre d’ancien député représentant Notre-Dame-de-Grâce à l’Assemblée nationale et de maire d’arrondissement nouvellement élu, mais aussi comme vice-président adjoint responsable des relations extérieures de l’Université Concordia, où il a présidé le groupe d’experts sur l’engagement communautaire, désormais l’un des cinq piliers stratégiques de l’Université. Le processus de définition du terme, a-t-il raconté, a donné lieu à un examen très approfondi de la nature même de l’engagement communautaire. La définition initiale était la suivante : relier les connaissances, les compétences et les ressources de l’Université aux besoins de la communauté en vue de promouvoir la responsabilité sociale. « Mais, admet-il, on a vite compris que la définition était à sens unique — de l’établissement vers la communauté. La nouvelle définition de l’engagement communautaire de l’Université se lit comme suit : une initiative de rapprochement visant à soutenir et à promouvoir des partenariats, nouveaux et existants, entre la communauté et l’Université. » Comme le dit M. Copeman, le Bureau de l’engagement communautaire de Concordia a pour but d’aider les étudiants, les employés, le corps enseignant et les membres de la communauté à créer des partenariats universitaires et non universitaires qui favorisent toutes les parties prenantes.

L’engagement communautaire exige du temps et des efforts, et va à l’encontre des pratiques enracinées dans les grandes institutions publiques où, comme le dit M. Copeman, « les décisions se prennent unilatéralement dans les sièges sociaux, du haut de leur tour d’ivoire. » S’il est plus facile et peut-être même plus efficace à court terme de prendre des décisions de cette façon, au bout du compte, le but ne sera jamais atteint si la communauté n’a pas son mot à dire. « Faire participer la communauté est un processus désordonné, qui prend du temps et des efforts, mais c’est plus efficace à long terme. »

Engagement civique et santé de la société

L’IASI a invité le Dr Paul Reed, ancien directeur général (Direction des études analytiques) et sociologue principal à Statistique Canada, et actuel chercheur principal au Centre d’études en gouvernance de l’Université d’Ottawa, à réfléchir au bénévolat dans un contexte social élargi. Dans sa conférence intitulée « L’engagement civique : les conséquences visibles et moins visibles du bénévolat », il a abordé les facteurs déterminants du comportement contributif et de l’enracinement social.

« Le secteur du bénévolat et des dons communautaires — soit l’engagement civique envers le bien commun — est largement invisible, mais constitue un élément stratégiquement important de notre société. Je préfère parler de secteur civique, plutôt que de bénévolat ou de dons de charité », a-t-il précisé.

Tendances dans l’engagement civique

Dans les années 1990, alors qu’il travaillait à Statistique Canada, le Dr Reed a lancé le Projet de base de connaissances sur le secteur des organismes sans but lucratif. Des administrations gouvernementales du pays, alors qu’elles réduisaient considérablement les fonds octroyés aux programmes sociaux, ont laissé entendre que les conséquences de ces réductions pourraient être atténuées si les services sociaux jusque-là offerts par les gouvernements pouvaient être pris en charge par des organismes de bienfaisance. Il manquait toutefois des données fiables sur la capacité réelle des organismes d’absorber une charge de travail accrue.

C’est ce qui a amené à un projet multiannuel visant à établir un corpus de données empiriques sur le secteur bénévole et le comportement contributif des Canadiens. Avec ses collègues, le Dr Reed a publié une cinquantaine d’articles sur le sujet, qui représentent l’essentiel de ce qu’on connaît aujourd’hui du bénévolat canadien. Mentionnons cependant que ces travaux ne s’intéressent pas en particulier au secteur de la santé.

« Au cours de nos 15 années de recherche, nous avons appris que les activités de bénévolat affichent des taux stagnants et qu’elles sont en mutation. Le bénévolat à long terme recule, alors que le bénévolat épisodique à court terme progresse. Le bénévolat obligatoire augmente également, surtout chez les jeunes. On observe un déplacement dans les heures de bénévolat : les bénévoles convaincus y consacrent plus d’heures, tandis que les bénévoles épisodiques en consacrent moins. En d’autres mots, la robustesse du bénévolat diminue.
Nous nous sommes aussi fait une meilleure idée des types de bénévolat et des motivations des bénévoles. Ces derniers forment un groupe très hétérogène, et les bénévoles du secteur de la santé sont différents des autres, ce qui doit être pris en compte dans la gestion d’un vaste groupe de bénévoles. »

Au Canada, les dons à caractère religieux arrivent en tête et représentent la moitié de tous les dons de charité, ce qui n’est guère étonnant. Mais la religion, comme l’a constaté le Dr Reed, était aussi un facteur déterminant des contributions versées à la communauté élargie. « Les gens apprennent essentiellement à devenir des bénévoles engagés par l’intermédiaire de leur communauté confessionnelle, a-t-il dit. En plus de la religion, la famille et les premières années de la vie semblent être les deux autres facteurs déterminants du bénévolat. L’expérience scolaire, avance-t-il, peut également préparer les enfants à devenir des bénévoles à long terme en leur inculquant l’engagement envers la communauté dans laquelle ils vivent.

L’exemple de Jonathan Mirarchi, bénévole âgé de 16 ans qui se consacre au programme STEP (acroynme de Student Training and Education Program), donnerait raison au Dr Reed. Comme le dit le jeune Mirarchi, le bénévolat qu’il a fait à l’HRV lui a montré que, peu importe nos qualifications, il est toujours possible d’enrichir la vie d’une personne hospitalisée. Il a aussi reconnu que les employés ont renforcé son sens de la communauté et souligné l’importance de contribuer autant que possible. « Améliorer les choses dans le monde, a-t-il dit, est ce qui nous motive à travailler fort et à devenir de meilleures personnes. »

La recherche sur les dons et le bénévolat révèle généralement que le Québec arrive bon dernier parmi les provinces canadiennes, avec un taux de participation aux organismes bénévoles de 17 %, soit deux fois moins que la Saskatchewan. Mais le Dr Reed a trouvé que les taux s’égalisent quand on tient compte du bénévolat qu’on appelle l’aide personnelle directe — déneiger régulièrement l’entrée d’un voisin âgé, apporter un plat cuisiné à une mère de l’autre côté de la rue ou donner de l’argent à un proche. « Pour des raisons culturelles et historiques, la propension au bénévolat adopte différentes formes dans le Québec contemporain. »

M. Reed relève un « noyau civique » dans la société, constitué de gens qui contribuent du temps et de l’argent au bien commun :

« Des bénévoles engagés ou des citoyens actifs partagent un ensemble de valeurs étonnamment bien défini, caractérisé par une très forte reconnaissance de l’importance d’un bien commun vers lequel les membres de la société devraient tendre, a-t-il dit. Ils croient que l’individu a la responsabilité de soutenir et de favoriser le bien commun, non seulement en payant des impôts, mais aussi en travaillant activement pour la société. Ils considèrent que tous les individus et leur milieu social sont interreliés et unis par un puissant sentiment de justice sociale. Fait intéressant à noter, ce point de vue est particulièrement répandu chez les bénévoles du Québec. »

Les travaux du Dr Reed constatent tristement que le noyau civique se rétrécit au Canada, ce qui pourrait avoir des conséquences à long terme néfastes tant pour les individus que pour la société.

Enracinement social

L’enracinement social joue un rôle très puissant dans la santé physique et mentale, a observé le Dr Reed. « Les gens qui ne se sentent pas intégrés à la société courent un risque accru de dysfonction dans la vie. »

Selon le Dr Reed, les ingrédients de l’enracinement social sont les suivants : la connectivité sociale, l’ancrage social et la continuité sociale. La connectivité sociale suppose des relations et des interactions avec des gens ne faisant pas partie du noyau professionnel ou familial immédiat et l’établissement de réseaux sociaux durables avec des amis et des pairs ; c’est aussi la première étape de l’action civique. L’ancrage social consiste en un ensemble de principes, idéaux et croyances qui guident la prise de décisions personnelles. La continuité sociale repose sur des comportements tels que vivre longtemps dans un même quartier ou travailler pour un même employeur pendant de nombreuses années.

« Avoir des racines sociales et un sentiment d’appartenance semble être un besoin humain fondamental », a affirmé le Dr Reed lors de la conférence. En analyse sociologique, nous utilisons des mesures statistiques pour évaluer la force des relations entre diverses caractéristiques. Des coefficients de 5 % ou de 10 % sont fréquents, quoique peu élevés. En revanche, le rapport entre l’enracinement social et l’état de santé, subjectif et objectif, ainsi que la satisfaction générale envers la vie, s’est avéré inhabituellement fort — entre 21 % (état de santé) et environ 35 % (satisfaction envers la vie). Il s’agit là d’une seule solide preuve de l’importance, voire de la nécessité, d’un enracinement social dans nos vies et nos communautés. Cet enracinement exerce une force sociale extrêmement puissante. »

Occasions pour le CUSM

Le Dr Reed a conclu sa présentation avec quelques mots destinés au CUSM :

La campus Glen du CUSM, en janvier 2014

La campus Glen du CUSM, en janvier 2014

« Peu d’organisations sont mieux placées que le CUSM pour déclencher une épidémie sociale et expérimenter de nouvelles façons de favoriser une culture de bénévolat et de mobilisation civique. Le CUSM devrait s’efforcer de donner aux bénévoles ce qu’ils recherchent — un amalgame de reconnaissance, de données montrant qu’ils améliorent les choses et une certaine latitude pour prendre des initiatives et s’épanouir. (Dans nos travaux sur les motifs du bénévolat, tous les bénévoles sérieusement engagés affichaient des motivations intéressées et altruistes.)
Les démarches organisationnelles visant à attirer, répartir et gérer les bénévoles et les donateurs sont largement orientées vers le soutien opérationnel, mais il est important de ne pas perdre de vue les autres avantages d’un tel engagement. En tant que chef de file parmi les établissements de santé, le CUSM offre aux bénévoles et aux donateurs la possibilité de réaliser leurs aspirations personnelles, d’améliorer la vie des autres et d’avoir le sentiment de contribuer au bien-être de la communauté ; ce faisant, vous renforcez l’enracinement social, un élément vital pour la santé de notre société. »

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